Trapézectomie
Comme l'indique son nom, la trapézectomie est l'ablation partielle ou totale d'un os du poignet, le trapèze. Cette opération est souvent associée à d'autres chirurgies comme la ligamentoplastie pour des maladies tel que la rhizarthrose.
Pr Eric Roulot / Chirurgie orthopédique / Chirurgie des doigts Paris / Trapézectomie
Le trapèze est un os du poignet qui peut devenir particulièrement gênant quand il s’use au niveau de ses surfaces articulaires et devient arthrosique. Deux arthroses sont possibles :
Celle qui concerne l’articulation de la face supérieure du trapèze appelée l’arthrose STT pour scapho-trapézo-trapézoidienne. Elle survient principalement à l’occasion d’une maladie qui apparait à partir de 50 ans, la chondrocalcinose (CCA), qui résulte de la mauvaise élimination des cristaux de pyrophosphate de calcium des articulations. Elle qui provoque une usure articulaire prématurée dans certaines articulations dont celle de la scapho-trapézienne.
L’arthrose qui concerne l’articulation trapézo-métacarpienne ou rhizarthrose est la plus fréquente. Elle concerne surtout les femmes au-delà de 50 ans et est responsable d’importantes déformations de la base du pouce que l’on voit souvent chez les personnes âgées. La rhizarthrose provoque des douleurs invalidantes et sont à l’origine de nombreuses interventions chirurgicales de la main dont la trapézectomie qui sont fort heureusement efficaces.
Quand faut-il pratiquer une trapézectomie ?
Une trapézectomie n’est envisagée qu’en cas de rhizarthrose invalidante et à condition que celle-ci soit résistante à un traitement médical bien conduit. C’est la seule pathologie où dans ce cas cette opération est préconisée.
Il ne faut donc envisager cette intervention chirurgicale que chez un patient qui souffre de la colonne du pouce de façon durable et fréquente au cours de la journée, et qui présente une gêne fonctionnelle consécutive à ces douleurs ou à la déformation du pouce.
Les opérations liées à la trapézectomie
Pour les opérations réalisables en même temps qu’une trapézectomie, il est assez fréquent de traiter les autres problèmes présentés par la main s’ils sont suffisamment gênants pour mériter une intervention chirurgicale. On peut ainsi libérer conjointement le nerf médian pour un syndrome du canal carpien ou un doigt à ressaut. Pour la libération du nerf médian, il est même possible de se servir d’une incision unique pour retirer le trapèze et libérer le nerf médian.
Les lésions tendineuses avec ténosynovite provoquées par les saillies osseuses tranchantes qui entourent l’arthrose péri-trapézienne doivent être traitées dans le même temps opératoire que la trapézectomie. L’objectif est d’éviter le risque de rupture de tendon parfois rencontré au cours de la rhizarthrose et qui pourrait sinon générer un handicap fonctionnel avec perte de force ou de fonction du pouce.
Il s’agit alors de libérer chirurgicalement :
- Soit le fléchisseur radial du carpe appelé aussi grand palmaire. Ce tendon peut se dilacérer par frottement sur les saillies ostéophytiques péri-articulaires de la rhizarthrose.
- Soit la coulisse du premier compartiment responsable d’une ténosynovite de de Quervain. Cette pathologie accompagne assez souvent la rhizarthrose du fait de l’irritation tendineuse des deux tendons qui la traversent (court extenseur du pouce ou du long abducteur du pouce) et qui peuvent être inflammatoires au voisinage de la rhizarthrose.
Efficacité de cette chirurgie de la main
La trapézectomie est une intervention régulièrement très efficace sur les douleurs, tout en conservant une bonne qualité de mobilité à la colonne du pouce. Cette opération, qui consiste en effet à supprimer le trapèze dans sa totalité, enlève donc toute possibilité de frottement douloureux de cet os avec les os qui lui font vis-à-vis, le premier métacarpien et le scaphoïde. Il n’y a donc, une fois cette intervention réalisée, plus d’articulation scapho-trapézienne ni d’articulation trapézo métacarpienne.
Cette opération supprime donc les douleurs provoquées par le frottement de l’os sur l’os à l’origine des douleurs arthrosiques qui caractérisent les articulations, dépourvues de cartilage du fait de l’usure arthrosique.
La logette de la trapézectomie reste présente et constitue une chambre de mobilité dans laquelle un tissu fibreux ou une interposition ligamentaire assurent la persistance de l’espace et la mobilité du pouce. Cela permet une fonction du pouce très satisfaisante, y compris pour les prises de force.
Technique chirurgicale et déroulé de l'opération
L’arthroscopie comme pour beaucoup de chirurgies articulaires est possible pour une trapézectomie. Elle reste cependant d’usage et d’indication plus limitée car le trapèze est de petite taille et d’accès chirurgical simple. La voie d’abord (incision) est donc du coup minime et peu visible, la chirurgie à ciel ouvert restant donc la plus indiquée pour cette opération de la rhizarthrose.
Le bénéfice d’une arthroscopie pour le patient en proportion de la difficulté chirurgicale et du temps de réalisation devient discutable.
L'intervention à ciel ouvert : La trapézectomie totale
Cette technique chirurgicale pour une trapézectomie consiste en une incision discrète d’environ 4 cm en regard du trapèze sur le bord externe de la main à la base du pouce. Le trapèze est un os qui a la taille d’une demi-sucre. Pour faire cette résection dans de bonnes conditions, il faut mettre à l’abri l’artère radiale qui passe très proche mais qui est facile à libérer et récliner, ainsi que les quelques branches nerveuses et les tendons de voisinage.
On peut ensuite ouvrir la capsule articulaire, puis libérer et enlever le trapèze. Une fois la trapézectomie totale effectuée, on referme simplement la capsule articulaire pour recréer une chambre de résection stable, en y tassant éventuellement au préalable une petite compresse hémostatique ou un tendon pelotonné sur lui-même.
Ce tendon constitue un petit amortisseur souple et vivant car vascularisé. Il est prélevé sans laisser de séquelles sur une portion d’un tendon de voisinage sans le fragiliser. Ce tendon est également fréquemment utilisé pour renforcer les éléments stabilisateurs de l’articulation, constituant une ligamentoplastie complémentaire assez appréciée des chirurgiens de la main, même si le bénéfice d’une ligamentoplastie n’a pas réellement été démontré scientifiquement.
L'opération sous arthroscopie : La trapézectomie partielle
Le principe de l’intervention est le même que pour une trapézectomie à ciel ouvert. La trapézectomie arthroscopique consiste à supprimer le trapèze en l’émiettant petit à petit avec une fraise rotative, en aspirant les débris ainsi générés au lieu d’enlever l’os trapèze en monobloc par une dissection chirurgicale.
Cette trapézectomie est souvent réalisée de façon partielle, avec ensuite l’interposition d’un implant ou d’un tendon. Il s’agit de supprimer la possibilité de contact os sur os qui est douloureux en cas d’arthrose et permettre une mobilité par la conservation d’un espace de mobilité. L’introduction d’une telle interface impose la réalisation d’une petite incision pour l’introduire dans l’espace préparé, ce qui fait perdre beaucoup des bénéfices théoriques de l’arthroscopie.
Comment se déroule une trapézectomie ?
L’intervention se déroule au bloc opératoire dans une atmosphère dite stérile, c’est-à-dire sur une main préparée soigneusement et nettoyée avec des produits antiseptiques puis isolée par un champage stérile. Cela permet d’isoler le site opératoire des risques microbiens.
L’opération se fait le plus souvent sur un bras seul endormi par une anesthésie dite locorégionale, effectuée grâce à une injection à la racine du membre sous repérage échographique pour endormir les nerfs du bras. Le patient est allongé sur une table opératoire le bras posé sur une table spécifique et donc dans une position les bras en croix. La chirurgie est pratiquée sous garrot pour éviter les saignements et donc les pertes sanguines.
Cette chirurgie du doigt dure environ 1 heure et se termine par la mise en place d’un pansement et d’une petite attelle qui immobilise la colonne du pouce. La trapézectomie se fait le plus souvent en ambulatoire et la sortie du patient est autorisée après une brève surveillance et le bras maintenu en écharpe.
Le jour même après l'opération
La conduite est interdite le jour de l’intervention, de même que toute activité à risque. Il est recommandé d’être accompagné d’une tierce personne pour sécuriser le retour à la maison.
Une fois de retour au domicile, le bras se réveille en quelques heures (4 h environ mais cela varie en fonction du produit utilisé par l’anesthésiste). La prise d’antalgiques est conseillée dès l’apparition des douleurs après la trapézectomie. Leur efficacité est meilleure quand leur prise a anticipé la réapparition de fortes douleurs. Il est prudent de laisser la main surélevée, soit avec le bras en écharpe, soit ce qui est le mieux appuyé sur un accoudoir, le coude à 90° et le bras vers le plafond.
Les doigts longs sont laissés libres dans l’attelle d’immobilisation qui ne prend que le pouce. Il est conseillé de les mobiliser dans le vide pour simuler des mouvements de flexion-extension sans serrage. Ces mouvements contribuent à faire circuler le sang et à dégonfler la main, favorisant la prévention des douleurs.
Les activités physiques intensives sont déconseillées car en augmentant le rythme cardiaque, elles augmentent l’afflux de sang vers la main et augmentent donc les douleurs ressenties. Par contre, une utilisation modérée des doigts longs est autorisée et non dangereuse, comme par exemple sur un clavier d’ordinateur ou sur un téléphone.
Temps de récupération et convalescence après l'opération
Douleurs et récupération après une trapézectomie
Les douleurs sont d’importance variables mais absentes lors de l’intervention si l’anesthésie est bien faite. Ces douleurs sont modérées au réveil si la prise d’antalgiques a été respecté et avec anticipation du réveil de la main.
Ensuite une gêne modérée est légitime comme après toute chirurgie de la main mais doit être contenue par la prise d’antalgiques et l’immobilisation du pouce. Le pouce est maintenu par une attelle pour une durée de 5 semaines, tout en laissant le poignet libre de même que les doigts longs et la dernière phalange du pouce, ce qui laisse une petite autonomie de la main.
Lors de la consultation à la cinquième semaine, l’attelle est retirée et le chirurgien prescrit une rééducation de la colonne du pouce. Il faut réhabituer le pouce à fonctionner normalement pour les prises de force et les mouvements d’opposition avec les autres doigts longs pour réaliser les prises en pince.
Il faut 2 à 6 semaines de rééducation pour arriver a récupérer une fonction normale du pouce de façon progressive. A 3 mois d’une trapézectomie, la fonction du pouce redevient correcte mais il faut plutôt 6 mois pour récupérer totalement.
Exercices de rééducation
Les exercices sont simples car ils consistent à effectuer des mouvements naturels de la colonne du pouce. A savoir :
- Le serrage en « pince » qui consiste à effectuer des mouvements de pince fine entre le pouce et l’index ou un autre doigt long,
- Le « grip » qui est un serrage global de la main comme si on serrait le poing pour écraser quelque chose et qui est une prise plus en force prévue pour tenir un outil ou un objet,
- Le mouvement de rotation en cercle de la colonne du pouce appelé « circumduction », qui permet au pouce d’aller dans toutes les directions et d’être capable de s’opposer à chacun des 4 autres doigts.
Tous ces exercices de rééducation après une trapézectomie sont à pratiquer comme l’on ferait des gammes de façon régulière et répétitive par le patient qui souhaite une bonne récupération. Ces exercices de rééducation après une trapézectomie peuvent très bien être travaillés seul sans l’aide d’un kiné. Toutefois un kinésithérapeute sera bien utile pour fixer un rythme de travail contraignant, avec une un pouce encore un peu douloureux et raide après l’intervention chirurgicale.
Reprise d'une activité sportive
La reprise de sport après une trapézectomie se fait également de façon cohérente en commençant par des gestes de serrage et d’appui effectués sous contrôle volontaire (appuyer plus ou moins fort en s’arrêtant quand le geste devient douloureux). Quand ces gestes contrôlés sont acquis, on peut alors seulement commencer les gestes de réception réflexe (rattraper un objet lancé dont non ne contrôle pas le poids ni la force).
La compréhension de ces principes donne le rythme de reprise de sport :
- Trois mois après une trapézectomie, on commence en principe à retrouver une capacité de serrage qui autorise une reprise de sport en douceur comme la tenue d’une raquette, d’un club de golf ou d’un guidon de vélo.
- A 6 mois de l’intervention chirurgicale, tous les gestes sont autorisés sans restriction réelle.
Il convient cependant de ne pas oublier qu’avec cette opération, il faut toutefois rester économe de son pouce pour ne pas à la longue l’user de nouveau. Il faut préserver à tout prix préserver un résultat qui est bon. Il est donc logique d’éviter les mouvements en force répétitifs qui pourraient à la longue détruire n’importe quel pouce, comme cela a été le cas avec le pouce initial qui était parfait et s’est usé à force de s’en servir. Le patient doit donc configurer son environnement de vie pour en supprimer les gestes répétitifs et évitables de serrage en force avec la pince pouce-index.
Arrêt de travail après une trapézectomie
Un arrêt de travail de 3 mois est adapté à cette intervention mais dépend de l’activité professionnelle pratiquée :
- Pour un travail de bureau, ce délai peut être raccourci à la demande du patient,
- Pour un travailleur tel qu’un plombier qui va effectuer des serrages en force avec des grosses clefs, l’arrêt de travail mérite d’être parfois prolongé, soit 6 mois au total.
Les risques opératoires liés à la trapézectomie
Comme pour toute chirurgie sérieuse, il peut y avoir des complications après une trapézectomie. Mais celles-ci sont malgré tout très rares pour cette intervention, dont la réalisation est sans surprise et le résultat assez fiable et constant. Seuls les temps d’évolution varient en fonction des patients.
Le risque principal en dehors de ces infections rarissimes est l’apparition d’une réaction algodystrophique. Le patient récupère en général spontanément d’une algodystrophie après une trapézectomie, mais avec un temps de guérison qui reste souvent long.
Une sensibilité exacerbée sur le pourtour de la cicatrice est possible, de même qu’un aspect chéloïde de celle-ci que développent certains patients au terrain prédisposé. Les petites branches nerveuses sous cutanées doivent être épargnées par une dissection correcte lors de la trapézectomie qui évite de les léser, ce qui pourrait sinon provoquer des troubles sensitifs péri-cicatriciels plus importants et durables que désirés.