Rupture de la coiffe des rotateurs
La rupture de la coiffe des rotateurs est la déchirure plus ou moins complète d'un ou plusieurs tendons de la coiffe de l'épaule.
Pr Eric Roulot / Epaule / Maladies / Rupture coiffe rotateurs
L’anatomie de l’épaule est indispensable pour comprendre la rupture de la coiffe des rotateurs. Cet ensemble de quatre muscles chapeaute la tête humérale de forme ronde comme une capuche recouvre la tête. On ne dit donc pas coiffe du rotateur mais des rotateurs. Ces muscles sont situés en arrière pour l‘infra-épineux et le petit rond, au-dessus pour le supra-épineux et en avant pour le sous scapulaire.
Chaque muscle est constitué d’un gros corps charnu qui s’attache par une large surface sur l’omoplate. Chacun de ces muscles rotateurs de l’épaule se termine par un tendon solide, plat et court qui s’attache sur le pourtour de la tête humérale sur une petite surface appelée le trochiter. Ils permettent de réaliser des mouvements de rotation pour positionner sans difficulté la main dans le dos ou à l’inverse sur la tête. Ils participent également avec le muscle deltoïde aux mouvements d’abduction et d’antépulsion. Ces mouvements consistent à lever le bras en hauteur, comme pour attraper un objet sur une étagère en stabilisant la tête de l’humérus.
Cette coiffe de l’épaule est très exposée à l’usure et la rupture tendineuse par sa situation anatomique. Le précurseur de la rupture tendino-musculaire est la tendinite de l’épaule qu’il convient de comprendre et de traiter pour éviter l’aggravation vers la rupture de la coiffe.
La rupture de la coiffe des rotateurs, qu'est-ce que c'est ?
La déchirure des tendons de la coiffe de l'épaule
La rupture de coiffe est la déchirure plus ou moins complète d’un ou plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs. La fissure des tendons peut être partielle pour la profondeur et concerner alors soit la face profonde ou superficielle du tendon.
Elle peut être au contraire totale pour la profondeur et on parle alors de rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs.
Cette déchirure peut être sinon partielle ou totale pour l’étendue d’avant en arrière d’un tendon. C’est la largeur de la rupture. Le tendon alors se rétracte par la perte de l’attache du muscle sur l’os.
Une évolution très handicapante de la maladie
En anatomie, on parle au niveau de la coiffe assez indifféremment de muscles ou de tendons. A ce niveau, ces tendons très courts constituent juste le prolongement du muscle pour l’attacher à l’os. Le muscle une fois détaché continue à se contracter lors des mouvements de l’épaule, mais le fait dans le vide. Il recule donc de plus en plus en se contractant et éloigne progressivement le tendon de sa zone d’attache sur l’humérus.
A la longue, le muscle se recroqueville et perd sa capacité à se rallonger. On parle de rétraction du tendon. Il perd aussi de son volume car ne fait plus de vrais efforts, on parle alors d’amyotrophie. Enfin, il perd de sa qualité et le muscle devient gras. On parle de dégénérescence graisseuse.
On comprend donc facilement qu’au début de cette maladie de l’épaule, une réparation de la coiffe des rotateurs est accessible avec de bonnes perspectives de réussite. Dans les formes évoluées lorsque le muscle est faible, rétracté et gras, ces réparations ne sont plus possibles ou avec un fort risque d’échec et de re-rupture de la coiffe des rotateurs pour les formes intermédiaires.
L’étendue de la rupture dépend aussi du nombre de muscles atteints. La déchirure partielle du tendon peut en effet s’étendre et la perforation de la coiffe des rotateurs va s’agrandir avec le temps. Un peu comme une déchirure de voile de bateau : avec un petit trou tout fonctionne bien, mais le risque de déchirure totale et brutale en cas de vent fort est important.
Pour la coiffe c’est un peu le même principe. A l’occasion d’une chute ou d’un traumatisme de l’épaule, une petite déchirure de tendon qui passait inaperçue peut se compléter et provoquer un arrachement complet de toute la coiffe appelé rupture massive de la coiffe des rotateurs. Elle s’accompagne souvent d’une impotence soudaine et totale de l’épaule appelée épaule pseudo-paralytique.
Les symptômes d'une rupture de coiffe
C’est principalement une épaule douloureuse, qui n’est souvent que la poursuite de la douleur d’une tendinite de la coiffe, qui précède en général la rupture de coiffe. A ce premier symptôme s’ajoute un déficit musculaire qui caractérise la rupture des tendons. Différents tests de la coiffe des rotateurs existent, mais le déficit n’est pas toujours présent, notamment si la rupture est partielle. Le diagnostic n’est donc souvent fait que par les examens complémentaires.
La douleur à l’épaule est souvent aggravée par l’activité, en particulier lorsque l’on lève le bras en hauteur, ce qui sollicite particulièrement la coiffe des rotateurs. Comme pour la tendinite, Il y a souvent une composante nocturne aux douleurs qui caractérise la composante inflammatoire.
Le tendon du biceps qui traverse l’articulation est souvent douloureux, suivant un trajet partant de la partie antérieure de l’épaule pour descendre vers le coude sur le trajet du biceps.
La mobilité active et passive de l'épaule
L’impotence fonctionnelle de l’épaule est fréquente avec une difficulté à lever le bras en hauteur, faire de la rotation externe ou mettre la main dans le dos. Cette raideur de l’épaule est la conséquence de la faiblesse musculaire.
Parfois, ce symptôme s’accompagne à la longue d’une perte de la mobilité dite passive par enraidissement de l’articulation, insuffisamment mobilisée à cause de la douleur et de la perte de fonction musculaire.
A l’extrême pour les ruptures sévères de coiffe, l’épaule devient pseudo-paralytique et ne permet plus aucune mobilité active, le bras pendant le long du corps. Par contre la mobilisation est faisable quand on se fait aider tant que l’articulation reste souple : c’est la mobilité passive.
Cette difficulté à faire le mouvement est différente de la raideur qui limite la possibilité de mobiliser l’épaule dans certaines amplitudes par l’examinateur. Elle correspond à une rétraction de la capsule articulaire. Cette raideur de l’épaule est provoquée par l’absence prolongée de mouvements corrects. Il faut dans un premier temps réassouplir l’épaule par la rééducation.
Elle doit être différenciée de la capsulite rétractile qui fige l’épaule et vient souvent se rajouter à la rupture de coiffe et en gêne beaucoup le traitement.
Les causes
La forme spontanée
Les ruptures spontanées de la coiffe des rotateurs sont souvent l’aboutissement de longues années de tendinites de l’épaule négligées. Les tendons s’effilochent petit à petit et finissent par se rompre. La rupture se produit alors sans que l’on ne s’en aperçoive vraiment, ou à l’occasion d’un traumatisme de l’épaule ou d’un effort minime du bras.
Deux présentations sont fréquentes :
- La rupture se fait avec une douleur nette et une limitation brutale du mouvement. Elle est expressive et amène à consulter un chirurgien de l’épaule rapidement.
- La rupture de la coiffe des rotateurs se fait en continuité des douleurs sourdes de la tendinite et on ne perçoit pas la différence. Jusqu’à aboutir à un vrai déficit de force par poursuite de la déchirure et élargissement important de la rupture.
Les micro-traumatismes répétés de l’épaule pendant de longues années lors de la pratique d’activités professionnelles ou sportives intensives comme la musculation peuvent ainsi être la cause des lésions et de leur aggravation progressive, classant alors la rupture de la coiffe des rotateurs en maladie professionnelle.
Comme pour la tendinite, un espace-sous acromial serré avec un acromion agressif et l’âge sont des éléments déterminants.
Les facteurs de risque cardio-vasculaires (tabac, hypercholestérolémie, hypertension, diabète…) sont également en cause en fragilisant la micro circulation vasculaire tendineuse.
La rupture traumatique de la coiffe des rotateurs de l'épaule
La rupture peut être brutale à l’occasion d’une chute ou d’un choc. Elle peut survenir sur une coiffe déjà très fragilisée par une tendinite chronique ou une tendinose dégénérative due à l’âge.
Mais si le traumatisme à l’épaule est très violent, il arrache une coiffe auparavant intacte, ce qui est plutôt rare. Dans ce cas, la rupture de coiffe se fait souvent par le biais d’une fracture de l’os sur lequel la coiffe s’attache à l’humérus appelé le trochiter.
Si la fracture est peu déplacée, la consolidation se fait bien. Si le trochiter est très détaché, il faut parfois le repositionner avec une opération de l’épaule.
Examens complémentaires pour une rupture de coiffe des rotateurs
Une radiographie de l’épaule simple est nécessaire pour éliminer un autre diagnostic. Elle permet de rechercher une ascension de la tête humérale visible en cas de lésion sévère, car la tête humérale monte et se décentre quand elle n’est plus stabilisée par les muscles de la coiffe des rotateurs.
Une échographie permet de bien analyser la plupart des lésions. C’est un examen d’accès simple et non douloureux qui est assez systématique pour faire un diagnostic de rupture de coiffe et en apprécier l’importance. Cette échographie de l’épaule peut être réalisée pendant le mouvement, apportant des informations intéressantes sur l’origine du conflit. Elle peut facilement être renouvelée pour en surveiller l’évolution.
L’arthroscanner et l’IRM sont deux examens de la coiffe des rotateurs qui permettent de mieux préciser les lésions des tendons.
L’IRM de l’épaule est intéressante pour analyser la qualité des muscles et les lésions superficielles et intra tendineuses.
L’arthroscanner impose une injection de contraste dans l’articulation de l’épaule. Il analyse bien l’état du cartilage de l’articulation gléno-humérale, les lésions de la face profonde et les lésions transfixiantes de la coiffe des rotateurs.
Comment évolue naturellement une rupture de coiffe ?
La vitesse avec laquelle se fait l’aggravation de cette maladie est variable Elles dépend probablement de l’intensité et des conditions d’utilisation de l’épaule. Les mobilités de l’épaule sont le plus souvent conservées lorsque les lésions des tendons sont peu évoluées par la mise en route de mécanismes de compensation par les muscles de voisinage et la modification de la gestuelle au quotidien.
A la longue, la poursuite de la déchirure des tendons de la coiffe des rotateurs associée à la perte du volume musculaire et la dégénérescence graisseuse rendent le mouvement de l’épaule de plus en plus imparfait.
Le deltoïde qui n’appartient pas à la coiffe des rotateurs mais l’entoure reste intact, mais ne parvient plus à mobiliser seul l’épaule et les patients perdent leur mobilité (épaule pseudo-paralytique). La tête de l’humérus a alors tendance à s’ascensionner. On parle d’excentration de la tête humérale sous le seul effet du deltoïde . Les deux surfaces articulaires entre la tête humérale et la glène de l’omoplate fonctionnent en étant mal alignées l’une sur l’autre, avec un mouvement de rotation piston qui va user le cartilage provoquant une arthrose gléno-humérale encore appelée omarthrose.
Au terme de l’ascension de la tête humérale, celle-ci vient se caler sous l’acromion créant une néo-articulation plus ou moins douloureuse. Le seul traitement efficace si les douleurs sont intenses est alors une chirurgie prothétique de l’épaule.
Le traitement médical
Comment soigner une rupture de la coiffe des rotateurs ?
Les lésions des muscles de la coiffe des rotateurs cicatrisent rarement spontanément, en dehors de certaines lésions partielles récentes. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les lésions nécessitent une réparation chirurgicale.
En effet la rupture de la coiffe de l’épaule, si elle est de petite taille, laisse parfois suffisamment de muscle intact pour autoriser un bon fonctionnement de l’épaule. La zone de rupture va se combler par un tissu fibreux peu fonctionnel. Encore faut-il que la rupture ne se complète pas sur l’épaisseur du tendon pour devenir transfixiante, ou ne s’agrandisse pas d’avant en arrière pour devenir large.
Pour ces petites ruptures de coiffe peu symptomatiques, une surveillance de l’éventuelle aggravation de la maladie est nécessaire et une suppression des facteurs favorisant indispensable. Cela passe par la suppression d’un bec sous-acromial éventuel et la correction d’une mauvaise hygiène alimentaire et physique.
Un programme de rééducation vise à conserver un bon centrage de l’épaule par le renforcement des muscles de voisinage pour suppléer au dysfonctionnement des muscles rompus. Cette rééducation doit être douce pour ne pas déclencher de douleurs inflammatoires ou une capsulite rétractile de l’épaule et permettre de récupérer les amplitudes articulaires.
Ce traitement médical attentiste a d’autant moins de chance de suffire que la rupture de coiffe est large et que le patient est jeune. Il concerne surtout les patients de plus de 70 ans, même avec des ruptures larges, et plutôt les ruptures partielles ou de petite taille chez des patients plus jeunes. A l’inverse, les ruptures non réparables imposent ce traitement qui reste alors le seul disponible.
Pour les formes de la maladie qui restent douloureuses ou non fonctionnelles avec des perspectives d’aggravation malgré ce traitement médical, la chirurgie de l’épaule s’impose.
Soulager la douleur : Les infiltrations
Elles n’ont un rôle que pour soulager la douleur de la coiffe des rotateurs et ne permettent aucune réparation de la rupture. L’injection de PRP reste encore discutée. Les effets secondaires d’infiltrations de cortisone peuvent aggraver la rupture par la fragilisation tissulaire qu’elles entrainent.
Elles permettent parfois de ramener les douleurs en dessous d’un seuil qui autorise une rééducation. Les infiltrations pour une rupture de coiffe des rotateurs sont surtout intéressantes dans les formes où le traitement chirurgical n’est plus envisageable, soit du fait de l’âge ou de la gravité de la rupture.
La rééducation de la coiffe des rotateurs non opérée
La première phase de rééducation consiste à faire des exercices pour récupérer une épaule souple et moins douloureuse. C’est une kinésithérapie douce.
Les exercices de renforcement de la coiffe des rotateurs et d’assouplissement permettent un meilleur contrôle de la stabilité de la tête humérale dans les mouvements de rotation et d’élévation du bras.
Une fois les douleurs à l’épaule atténuées, il faut effectuer un renforcement de la coiffe pour tous les muscles encore en état de suppléer au déficit provoqué par la maladie. On peut ainsi chez les patients âgés ou pour les petites ruptures récupérer une autonomie et un contrôle correct des douleurs.
Dans les autres cas, la rééducation de la coiffe des rotateurs avec l’aide d’un kinésithérapeute est une préparation à l’arthroscopie pour une réparation de la coiffe. Il est indispensable que l’épaule soit souple pour obtenir un bon résultat après l’intervention d’un chirurgien orthopédiste !
Est-il nécessaire de subir une chirurgie pour une rupture de coiffe ?
Opération de la coiffe des rotateurs
Cette intervention chirurgicale de l’épaule réussit d’autant mieux que le terrain est favorable. Une rupture de taille raisonnable sur des muscles encore de bonne qualité et sur une épaule souple sont les clefs du succès. Une opération de la coiffe des rotateurs se fait sous anesthésie générale et par arthroscopie.
Cette chirurgie comprend fréquemment un agrandissement de l’espace sous acromial en rabotant et aplanissant la surface inférieure de l’acromion appelée acromioplastie.
Quand au biceps, un de ses deux tendons d’attache supérieure traverse l’articulation au niveau de la perforation de la coiffe. Il est du coup très exposé. Quand il est abimé et effiloché, il est justifié de le détacher pour lui permettre de se refixer un centimètre plus bas et de fonctionner aussi bien sans être douloureux. Une ténotomie du biceps est donc aussi fréquemment pratiquée lors d’une réparation de la coiffe des rotateurs.
Enfin, tous les muscles détachés sont refixés par des fils au niveau de la zone d’attache naturelle de la coiffe. Cette zone osseuse appelée trochiter est solide. On y fixe les fils de suture à l’aide de très petits pitons ayant la forme d’ancres ou de vis.
Convalescence et récupération post-opératoire
Il faut ensuite laisser la cicatrisation se faire. La convalescence après l’opération prend six semaines pendant lesquelles il ne faut pas solliciter la zone de suture pour éviter à nouveau la rupture. En effet, la récidive n’est pas rare (deux fois plus chez les fumeurs) et dépend beaucoup de la qualité des tissus réparés. Une immobilisation coude au corps pendant ce délai est donc nécessaire avec la possibilité en fonction des cas de mobiliser l’épaule en passif avec le kiné à partir du quinzième jour. Il est en effet intéressant de ne pas laisser l’épaule se raidir.
A partir de la sixième semaine, le patient commence à participer activement à la mobilisation de son épaule de façon progressive pour, vers le troisième mois de l’intervention le faire sans aide. Le temps de récupération après une chirurgie de la coiffe des rotateurs est long et prend entre trois et six mois.
Arrêt de travail après l'opération
La reprise du travail après une opération de la coiffe est difficilement envisageable avant 2 mois pour un travail de bureau. Le plus souvent, conduire après cette intervention chirurgicale n’est pas faisable avant 3 mois.
La durée de l’arrêt de travail pour une rupture de la coiffe des rotateurs est de 3 à 4 mois et jusqu’à 6 mois pour un travail de force. Les douleurs après l’opération sont très atténuées par la prise en charge par arthroscopie et par une simple immobilisation coude au corps.
L’utilisation d’une attelle pour cette pathologie de l’épaule est devenue exceptionnelle.